La disparition des langues : état des lieux et perspectives

Dans l’édition 2010 de son Atlas des langues en danger dans le monde, l’UNESCO estimait que, sur les 6 000 langues existant dans le monde, plus de 200 s’étaient éteintes au cours des trois dernières générations, 538 étaient en situation critique, 502 sérieusement en danger, 632 en danger et 607 vulnérables. Alors, pourquoi les langues disparaissent-elles et comment pouvons-nous les sauvegarder ?

 

Les facteurs de disparition des langues

Une langue est en danger quand elle est en voie d’extinction, c’est-à-dire lorsque ses locuteurs cessent de la pratiquer, réservant son usage à des domaines de plus en plus restreints, et qu’elle ne se transmet plus de génération en génération.

Plusieurs facteurs peuvent entraîner la mise en danger d’une langue, puis, à terme, son extinction. Parmi les forces externes à l’œuvre, on peut citer le changement climatique, qui a les conséquences les plus alarmantes dans les régions du monde dotées de la plus grande diversité linguistique. C’est le cas par exemple en Papouasie, berceau de centaines de langues. Dans ce territoire, la montée des eaux pousse des populations à migrer, entraînant la perte de leur langue dans leur nouvel environnement.

La disparition d’une langue est aussi parfois le résultat d’une volonté politique d’hégémonie culturelle, comme cela a été le cas a été le cas notamment en Australie ou sur le continent américain avec les populations autochtones. On peut également citer le cas de l’État chinois, qui a imposé l’apprentissage du mandarin standard dans toutes les écoles du pays. La disparition progressive de certaines langues minoritaires peut également venir d’un processus a priori positif, comme l’alphabétisation, qui valorise certaines langues au détriment d’autres.

Dans l’histoire, la colonisation a également fortement participé à l’extinction de nombreuses langues. Après la conquête d’un territoire, la population passe par une phase de bilinguisme qui voit peu à peu la langue traditionnelle se cantonner à la sphère privée tandis que la langue du conquérant devient langue nationale. C’est ce qui s’est passé pour le gaulois, dont on ne connaît aujourd’hui que peu de choses. En effet, il a été abandonné peu à peu au profit du latin, langue considérée comme plus prestigieuse.

Tous ces facteurs ont des conséquences désastreuses sur la diversité linguistique mondiale.

 

Les enjeux de la diversité linguistique

Avec chaque langue qui s’éteint, c’est une certaine vision du monde qui disparaît avec elle. Comme le soulignait Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO de 1999 à 2009, « la disparition d’une langue aboutit à la disparition de nombreuses formes de patrimoine culturel immatériel, en particulier du précieux héritage que constituent les traditions et les expressions orales […] de la communauté qui la parlait. La perte des langues se fait aussi au détriment du rapport que l’humanité entretient avec la biodiversité, car elles véhiculent de nombreuses connaissances sur la nature et l’univers. »

À l’heure où la tendance est à l’uniformisation et à l’hégémonie de quelques grandes langues telles que l’anglais, le chinois ou l’arabe, il est nécessaire de rappeler quels sont les enjeux de la diversité linguistique. Cette diversité est d’autant plus fragile que 97 % de la population mondiale parle 4 % des langues du monde, alors que 96 % des langues sont parlées par 3 % de la population mondiale. Celle-ci est donc assurée par une petite minorité de la population.

  • Pour sauvegarder des connaissances : au-delà d’un simple moyen de communication, les langues sont le vecteur de la façon de penser et de voir le monde d’une culture. Histoire, sciences naturelles, musique, mythologie… Les langues sont le réceptacle de connaissances importantes pour le reste de l’humanité.
  • Pour favoriser l’éducation et l’alphabétisation : diverses études montrent que l’alphabétisation des enfants dans leur langue d’origine, notamment dans les pays en voie de développement où l’on trouve la plus grande diversité linguistique, donne d’excellents résultats par rapport à une scolarisation imposée dans la langue nationale.
  • Pour favoriser le développement : que ce soit dans le domaine de la santé, de la prévention des maladies, de l’agriculture ou de l’élevage, l’utilisation des langues autochtones est souvent bien plus efficace pour la diffusion d’informations à grande échelle.

Au vu des enjeux que représente la diversité linguistique mondiale, il est donc urgent d’agir pour sauvegarder ce qui peut encore l’être.

 

Comment sauvegarder les langues minoritaires ?

Pour garder une trace de ces langues tant qu’il en est encore temps, plusieurs programmes et chercheurs s’attachent à sauvegarder celles qui sont en voie d’extinction en les collectant et en les enregistrant, notamment. C’est le cas du projet Pangloss, une archive ouverte pour la sauvegarde du patrimoine linguistique mondial. Ce projet, mené par le laboratoire LACITO du CNRS, vise à collecter des enregistrements de langues sur le terrain et à archiver des données orales afin de les léguer aux générations futures. C’est également l’ambition du programme Sorosoro, qui accompagne des chercheurs sur le terrain afin de collecter des sons et des images. L’objectif ? Constituer une base de données sur les langues et cultures menacées de disparition.

Comme nous l’avons vu en début d’article avec la mention de son Atlas des langues en danger dans le monde, l’UNESCO participe activement à la promotion de la diversité linguistique mondiale en reconnaissant notamment en 2001 que les langues en danger font partie du patrimoine oral et immatériel de l’humanité.

À l’échelle européenne, l’UE s’engage également à sauvegarder la diversité linguistique et à promouvoir la connaissance des langues par le biais d’une politique en faveur des minorités linguistiques. Dans ce contexte, certains États membres ont mis en place des plans stratégiques structurés pour la promotion et la sauvegarde de leurs langues.

 

 

En conclusion, il est donc essentiel d’encourager le multilinguisme à tous les niveaux et les professionnels de la traduction sont bien placés pour œuvrer en faveur de cette pluralité des langues.

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