Inventer une langue : la linguistique au service de la fiction

Inventer une langue : portrait-robot des langues imaginaires

Même sans les maîtriser sur le bout des doigts, vous avez très certainement une idée de ce à quoi ressemblent l’allemand, le portugais, le russe et le japonais. Mais qu’en est-il du sindarin, du klingon ou du simlish ? Quand la littérature, le cinéma ou encore le jeu vidéo se lancent dans la création linguistique, le champ des possibles devient quasi infini. Décryptage de ces langues inventées tout spécialement pour des œuvres de fiction.

 

La langue comme incarnation d’un univers

Avec plusieurs milliers de langues bien réelles à notre disposition, pourquoi chercher à en inventer de nouvelles ? Tout comme les personnages et l’environnement dans lequel ils évoluent, la langue renforce la cohérence et la vraisemblance de l’univers. C’est d’ailleurs souvent le cas dans la littérature fantasy ou encore dans l’univers du jeu de rôle, qui tendent à faire cohabiter des langues de différents peuples, tels que les géants, les trolls ou encore les gobelins. Ainsi, dans l’univers d’Harry Potter, l’invention du fourchelang vient étoffer le folklore du récit en matérialisant la langue des serpents.

La création d’une langue peut également être un moyen de conférer une forme d’universalité à l’histoire. Si vous avez déjà lu ou vu Orange mécanique, vous aurez sans doute remarqué l’utilisation récurrente du nadsat, qui permet d’inscrire le récit dans une société dont les problématiques traversent les époques. Autre fonction non négligeable de ce jargon argotique : l’utilisation de termes inconnus pour désigner des concepts violents contribue à atténuer la cruauté des agissements du personnage principal aux yeux du public.

Dans le même ordre d’idée, comment ne pas mentionner la novlangue, véritable enjeu de pouvoir dans le célèbre 1984 de George Orwell ? La langue a ici encore une fonction restrictive et s’impose comme un instrument de domination et de limitation du champ de la pensée en supprimant le choix des mots disponibles pour l’exprimer.

 

Inventer une langue : un processus de conception complexe

Contrairement aux idées reçues, l’élaboration d’une nouvelle langue ne consiste pas à compiler aléatoirement des lettres et des sons dans l’espoir de parvenir à un résultat qui sonnerait juste. Certes, il en existe dont la structure reste assez simple, comme le langage des Schtroumpfs, constitué uniquement de variantes du mot « schtroumpf », ou celui des Shadoks, formé à partir des quatre syllabes de base « Ga », « Bu », « Zo » et « Meu ».

Il n’en demeure pas moins que la plupart des langues imaginaires se démarquent par leur richesse grammaticale et syntaxique. Et ce n’est pas le fruit du hasard, mais plutôt du travail méconnu des « conlangers », ces créateurs spécialisés dans l’invention de langues pour la fiction. L’un des maîtres en la matière n’est autre que J. R. R. Tolkien. Non content d’avoir su développer un univers étendu et foisonnant, ce linguiste et philologue averti a également construit différentes langues autour desquelles gravitent ses personnages et intrigues. Il a d’ailleurs confié imaginer des histoires pour offrir un environnement aux langues et non l’inverse. Noir parler, khuzdul, westron, quenya, sindarin et bien d’autres encore, disposent ainsi toutes de leurs propres règles, variantes et systèmes d’écriture.

Autre conlanger notable : David J. Peterson, le créateur des langues de la série Game of Thrones, dont le dothraki et le haut valyrien. L’exemple du haut valyrien est d’ailleurs tout particulièrement intéressant, dans le sens où cette langue ne comporte ni féminin, ni masculin, mais pas moins de quatre genres grammaticaux : le solaire, le lunaire, le terrestre et l’aquatique.

 

Des créations aux inspirations multiples

Si les conlangers redoublent d’inventivité pour s’efforcer de rendre leurs créations linguistiques uniques, tous ont cependant un point commun : ils puisent très souvent leur inspiration dans des langues bien réelles. Citons par exemple la langue des Minions qu’a imaginée Pierre Coffin en partant d’un mélange de français, d’espagnol, d’italien et d’anglais. Dans un registre plus exotique, Paul Frommer a préféré emprunter certains éléments aux langues polynésiennes pour élaborer la langue na’vi popularisée par la franchise Avatar. Et le monde des jeux vidéo n’est pas non plus en reste : ainsi, le simlish des Sims serait librement inspiré du roumain, du navajo, de l’ukrainien ou encore du philippin. Dépaysement garanti !

 

Quand la fiction rejoint la réalité

Comme nous l’avons vu à travers tous ces exemples, les langues construites pour la fiction sont loin d’être anecdotiques et font partie intégrante de l’univers dans lequel elles s’inscrivent. Mais qu’en est-il lorsque les frontières entre fiction et réalité s’estompent ?

Saviez-vous par exemple que le klingon de Star Trek n’est désormais plus l’apanage des extraterrestres de la série ? Il est aujourd’hui tout à fait possible de l’étudier dans certaines universités américaines ou sur l’application Duolingo, et même d’assister à une représentation théâtrale dans laquelle Hamlet déclamerait non pas « être ou ne pas être », mais « taH pagh taHbe ». Un exercice de traduction pour le moins intéressant, n’est-ce pas ? Qui sait, si votre cœur de cible vous le permet, il pourrait s’agir d’une piste à envisager pour vos prochains projets de localisation.

 

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