Langage, langue et parole : une distinction fondamentale

Langage, langue et parole :

Voici un petit dialogue de mise en situation qui parlera peut-être à certains de nos lecteurs :

— Maman, il m’a coupé la parole cette espèce de cornichon !

— Pff, quelle mauvaise langue cette grosse patate !

— Surveillez votre langage, les enfants !

Langue, langage, parole – ces termes sont tellement ancrés dans notre quotidien que nous ne prenons plus la peine de réfléchir à leur véritable sens. Cependant, en saisissons-nous vraiment toutes les subtilités ?

Lorsque l’on s’intéresse à la linguistique, la distinction entre le langage, la langue et la parole est fondamentale. Nous la devons à Ferdinand de Saussure, linguiste suisse (1857-1913), reconnu comme ayant posé les bases de la linguistique moderne. C’est lui qui théorise les concepts de langue, de langage et de parole dans son fameux Cours de linguistique générale, publié en 1916 par ses élèves.

 

Le langage : la fonction

Au sens large, le langage se définit comme tout système de signes vocaux ou graphiques qui associe des mots selon des règles grammaticales précises. En ce sens, il renvoie à la faculté de raisonner, de nommer les choses et de communiquer avec autrui. On doit ainsi à Aristote la formule selon laquelle l’homme serait un « animal doué de langage », signifiant ainsi que si l’homme est un être vivant parmi tous les autres, il s’en distingue en ce que lui seul est doué du langage. On objectera qu’on observe également chez les animaux des formes d’expression et de communication, l’exemple le plus éloquent étant la communication des abeilles. Les linguistes distinguent cependant « communication » et « langage ». En effet, le langage humain possède des caractéristiques qui lui sont propres, nous y reviendrons.

Revenons à la définition saussurienne du langage : notre linguiste suisse le définit comme étant la fonction inhérente et universelle que tout être humain possède et qui lui sert à communiquer. Sans langage, pas de langue possible. Il s’agit d’une capacité innée chez l’être humain, même chez les personnes muettes ou n’ayant pas été élevées dans une société humaine. Ce deuxième cas de figure peut renvoyer plus spécifiquement aux enfants sauvages, un thème largement repris à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle pour expliquer le développement langagier. Le langage est avant tout une fonction biologique, stockée chez l’être humain dans l’aire de Broca, située à l’arrière du lobe frontal, qui est en charge de la production et de l’articulation, et dans l’aire de Wernicke, en charge de la perception (compréhension) des mots et des symboles du langage.

Le langage est finalement ce qui permet à l’être humain de construire des codes pour communiquer. Et ces codes, ce sont les langues.

 

Du langage à la langue

Tandis que le langage désigne une capacité, la langue représente un outil permettant de communiquer. La langue est le produit de la fonction qu’est le langage. Il s’agit d’un système de communication propre à une communauté donnée. Elle n’est pas commune à tous les êtres humains, mais seulement à un groupe de personnes. Il faut donc être au moins deux pour pouvoir utiliser une langue, c’est d’ailleurs pourquoi les langues disparaissent lorsqu’il n’y a plus de locuteurs pour les faire vivre. Une langue peut cependant continuer à exister à l’écrit lorsque plus personne ne la parle, elle est alors qualifiée de langue morte (latin, grec, etc.).

Contrairement au langage, la langue s’acquiert au cours de l’enfance. En effet, si le langage est en nous à la naissance, ce n’est pas le cas de la langue. Nous devons en apprendre au moins une au début de notre vie afin de pouvoir communiquer. C’est d’ailleurs le but de la langue : nous n’apprenons et ne retenons que ce qui nous est utile. Enfin, les langues sont organisées en un système complexe réunissant un ensemble de mots et un ensemble de règles.

Arrêtons-nous un instant sur les différences entre langue, dialecte et patois : la langue est souvent associée à une nation ou à une réalité géopolitique (langues minoritaires) ; le dialecte est une langue, mais il est parlé par un groupe restreint de personnes ; le patois, lui, est un dialecte parlé par un groupe très restreint de personnes.

 

La parole : l’utilisation

Nous venons de voir que la langue est constituée d’un ensemble de mots et de règles. Cependant, chaque individu fait un usage personnel de la langue, par le biais des accents, de l’intonation, de la prononciation, des termes régionaux… C’est là qu’intervient la notion de parole. La parole, c’est l’utilisation personnelle de la langue. On ne parle pas au même rythme que notre voisin, on n’utilise pas les mêmes tournures de phrases, ni les mêmes mots, entre autres. On peut ainsi évoquer le débat brûlant entre pain au chocolat et chocolatine. Ou les incompréhensions entre les utilisateurs du crayon gris, du crayon de bois ou du crayon à papier. La parole désigne donc l’utilisation de l’outil qu’est la langue.

La parole, c’est ce qui va permettre à la langue d’évoluer. Ainsi, les changements apportés à une langue sont à l’origine causés par les individus qui la parlent. C’est ainsi que se constituent les mots nouveaux qui viennent enrichir les langues.

 

Pour résumer : le langage, c’est la fonction, il est commun à toute l’humanité. La langue est le produit du langage, elle est propre à une communauté, c’est un fait social. La parole est l’utilisation personnelle de la langue, c’est un fait individuel.

 

Si vous souhaitez aller plus loin et passer de la linguistique à la philosophie, vous pouvez également explorer les liens entre langage et pensée afin de nourrir votre réflexion.

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