La fabrique des mots nouveaux

La plupart des dictionnaires français comptent en moyenne 60 000 entrées. Avec autant de mots à notre disposition pour communiquer, comment expliquer ce besoin impérieux d’en créer sans cesse de nouveaux ? D’où viennent ces néologismes ?

 

La typologie des mots nouveaux

Loin d’être figée, la langue ne cesse de s’adapter aux changements qui rythment nos sociétés. L’évolution des pratiques et des comportements entraîne presque systématiquement l’apparition de nouveaux mots qui viennent enrichir la langue et combler ses lacunes. Parmi les néologismes français les plus récents, la plupart témoignent de phénomènes sociétaux contemporains, notamment :

– Les nouvelles technologies (instagrammable, multivers, etc.)

– Les préoccupations environnementales (écoanxiété, localisme, dette climatique, etc.)

– Le concept d’équité, diversité et inclusion (iel, mégenrer, etc.)

– Les répercussions de la pandémie de COVID-19 (flex-office, covid, confinement, etc.)

Citons également l’influence notable d’autres langues et cultures, avec notamment l’adoption de termes tels que bibimbap ou mochi (nouveaux emblèmes de la cuisine asiatique), ainsi que les indétrônables anglicismes, particulièrement plébiscités par les jeunes générations.

 

Zoom sur le « parler jeune »

Si vous avez des jeunes de moins de 25 ans dans votre entourage, il y a fort à parier que vous les ayez déjà entendus utiliser des mots ou expressions vous laissant passablement perplexe. Que ce soit par volonté de s’identifier à un groupe ou de se démarquer des adultes en employant un vocabulaire qu’ils ne comprennent pas, la jeune génération contribue largement au renouvellement de la langue et de ses codes.

Souvent dérivé de l’anglais, le « parler jeune » a tendance à désigner des comportements sociaux qui occupent une place importante dans le quotidien des jeunes. Si, par miracle, votre ado vous confie avoir « ghosté un pick me pour aller chiller avec son crush », pas de panique ! Cela signifie tout simplement qu’elle ou il a rompu tout contact avec une personne qui cherche sans cesse à attirer l’attention pour passer du temps avec quelqu’un qui lui plaît.

Certaines pratiques culturelles sont également une source d’inspiration majeure pour la création des néologismes qu’emploient les jeunes. Prenons l’exemple de l’expression « faire son dark sasuke », qui signifie « faire semblant d’aller mal pour attirer l’attention ». Saviez-vous qu’elle s’inspire de la personnalité sombre et complexe de Sasuke, l’un des principaux personnages du célèbre anime Naruto ? Comment ne pas mentionner également les « webtoons », ces BD numériques qui font fureur depuis quelques années auprès des jeunes (et des moins jeunes) ?

Si les réseaux sociaux contribuent largement à la diffusion du « parler jeune » (citons par exemple le phénomène « quoicoubeh » sur TikTok), les plus jeunes auront tendance à délaisser ces mots et expressions dès lors que leurs aînés se mettent à les utiliser. Pourtant, certains termes arrivent à perdurer, jusqu’à parfois intégrer les pages du sacro-saint dictionnaire.

 

Comment les mots nouveaux entrent-ils dans le dictionnaire ?

Comme nous l’avons déjà vu, la langue ne cesse d’évoluer, et le dictionnaire aussi. Chaque nouvelle édition comporte son lot de mots nouveaux, sélectionnés avec soin. Pour ce faire, il existe trois grandes méthodes :

  • La collecte manuelle : les lexicographes traquent les néologismes sur tous types de supports (littérature, médias, réseaux sociaux, conversations, etc.)
  • La collecte semi-automatique : de puissants outils de veille lexicologique surveillent les nouvelles tendances dans des corpus de documents variés
  • L’analyse des requêtes restées sans réponse dans les dictionnaires en ligne

Le comité éditorial se base ensuite sur les critères suivants pour choisir les heureux élus :

  • Fréquence : le mot candidat doit être employé par un grand nombre d’interlocuteurs.
  • Diffusion : le terme doit revenir dans différents types de discours.
  • Pérennité : les mots sont longuement observés, parfois pendant plusieurs années, pour mesurer leur capacité à s’inscrire durablement dans la langue.

La guerre des dictionnaires

Cela signifie-t-il pour autant que le dictionnaire doit supprimer les mots obsolètes pour laisser la place aux nouveaux venus ? La réponse n’est pas si simple. Bien que nous ayons évoqué « le dictionnaire » au singulier tout au long de cet article, il en existe en réalité plusieurs. Chacun a sa propre ligne éditoriale, qui définit sa vision et oriente ses choix. Ainsi, contrairement au Petit Larousse, le Petit Robert estime que les mots sortis de l’usage méritent de conserver leur place et préfère jouer sur l’interlignage ou supprimer certaines citations plutôt que de les faire complètement disparaître.

Autre exemple de divergence : le Larousse et le dictionnaire de l’Académie française, réputés pour être plus « conservateurs », n’ont pas encore intégré le pronom neutre iel, qui figure pourtant dans l’édition 2023 du Robert. N’hésitez donc pas à croiser les dictionnaires pour vous faire une meilleure idée de la diversité de notre paysage linguistique.

 

Une dernière question se pose à présent, celle de la traduction de ces mots nouveaux. Faire preuve d’inventivité suffira-t-il pour que leur traduction s’impose durablement ? Seul l’usage le dira.

 

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