Sommes-nous ce que nous parlons ?

Il y a quelques temps déjà, Robert Lane Green, auteur de « You are what you speak », ouvrait une conférence ELIA ND en Toscane. Il y avait détaillé aux représentants des entreprises de traduction venus d’Europe de l’Est, de Scandinavie, des Balkans et d’Europe centrale les résultats de quelques recherches académiques concernant la linguistique et la traduction, tentant ainsi de répondre à une interrogation fondamentale : sommes-nous vraiment ce que nous parlons ? 

Langue et identité

Est-ce que la langue que nous parlons influe sur notre personnalité et notre mode de pensée ? Est-ce que les différentes langues codifient nos pensées d’une manière prédéfinie ? Ces interrogations remettent en question l’idée communément admise selon laquelle les langues déterminent un comportement particulier : les Allemands, par la structure de leur langue, seraient plus logiques, les Français plus romantiques, les Italiens plus poétiques. Cette vision, héritée des théories du XVIIIe et XIXe siècle, a pourtant été démentie dans les années 50 et 60 par de nombreuses études, mais les stéréotypes nationaux ont la vie dure.

Car ce que les recherches académiques ont démontré, c’est que la langue n’a pas plus d’influence sur la personnalité de ses locuteurs que l’environnement culturel dans lequel elle est apprise et dans lequel le locuteur grandit et vit. Certaines études montrent en effet que la langue influence les perceptions, les évaluations sociales et les associations de mots et d’idées… tout comme d’innombrables autres facteurs influencent également les perceptions, les évaluations sociales et les associations de mots et d’idées ! Le lien entre langue et manière d’être n’est donc pas établi.

 
Quelles langues pour quels buts ?

Nous citons volontiers la phrase de Willy Brandt « If I’m selling to you, I speak your language. If I’m buying, dann müssen Sie Deutsch sprechen ». Simple politesse, question de rapport de force commercial ou vraie stratégie ? Une citation de Nelson Mandela pourrait préciser davantage l’intention formulée par l’ancien chancellier allemand : « When you speak to someone in a language he knows, you speak to his mind. When you speak to someone in his own language, you speak to his heart ». La meilleure traduction de cette phrase pourrait être : « Lorsque vous parlez à quelqu’un dans une langue qu’il connaît, vous parlez à sa raison. Lorsque vous parlez à quelqu’un dans sa propre langue, vous parlez à son cœur ».

 

Un levier émotionnel ?

S’appuyant sur plusieurs exemples tirés d’études scientifiques, Robert Lane Green nous a démontré dans son allocution que Mandela avait pleinement raison. En effet, les chercheurs ont constaté que lorsqu’un problème était posé dans la langue maternelle des sujets, leur réponse était plus émotionnelle que rationnelle, alors qu’un même problème posé dans une langue étrangère entraînait des réponses plus rationnelles.

Cela implique-t-il que l’on pourrait jouer sur la langue dans laquelle nous nous exprimons pour obtenir de nos interlocuteurs des réponses et comportements différents ? C’est le cas en effet. Si je souhaite faire appel à votre réflexion et à votre raison, alors je devrais m’exprimer dans une langue étrangère. Même si vous maîtrisez très bien cette autre langue, le processus mental d’adaptation à celle-ci va entraîner un ralentissement de votre réflexion et avoir le plus souvent pour conséquence une réponse plus rationnelle. Par contre, si je souhaite vous émouvoir et vous toucher en vue de déclencher un acte d’achat, alors il faut impérativement que mon message soit traduit dans votre langue.

De la même manière, la recherche montre que la mise en page influe sur la perception et la compréhension du texte et donc sur le comportement d’achat. Plus un document présente des contrastes importants (mots en gras, texte aéré…), et induit donc une lecture simplifiée, plus le lecteur est réceptif au message exprimé.

De quoi justifier en interne un budget traduction plus conséquent ou une mise en page pensée et adaptée ? À vous de voir, mais ces études académiques, sans apporter une réponse chiffrée à la question du retour sur investissement de la traduction, permettent d’en donner une idée plus précise.

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